Intangible Risks of the Musical World/ Part 3: Where Value-Raising Strategies Hinder Necessary Social and Cognitive Interactions
Les risques impalpables du monde musical : 3 / où les stratégies de valorisation entravent des interactions sociales et cognitives nécessaires
Résumé
Going beyond the potential risks engendered by the various ideologies of the world of music, this article explores the ideologies through which the musical world explains and promotes the power of its art. For musicians, these ideologies are therefore less easy to separate from how they conceive of the means and ends of their work as musicians.
The first phase of this study examines the use and effects of a generally tacit antagonism that appeared in the late 18th Century and that made culture either into a collectively emancipating tool carried by reference works, or into an instrument of expression and individualization in the service of human personal development. A misunderstood mixture of these two hardly reconcilable conceptions can cause instrumentalists to be lured by certain perverse legends found in this milieu, or to develop defensive ideologies leading them to accept situations of occupational suffering or to reject routines nonetheless necessary for their work. This hypothesis can help elucidate a number of phenomena as diverse as the debilitating or facilitating effects of orchestra musicians' social-professional backgrounds; insolvable concerns about one's identity or affiliations generated by society's cultural policies in the second half of the 20th Century; belated (yet accepted) granting of social benefits and occupational rights in the name of the vocational and individualistic regime of an artistic elite; or the presence of rituals and defensive strategies that can be likened to the ordalic behaviors and forms of
occupational alienation studied by Christophe Dejours. According to Pierre-Michel Menger's analyses, the musical world provides an
excellent field of application — or even a laboratory — for the shift in company management from a qualification-based logic to a competency-based one, and in return, public forms of value-placing on the figure of the artist should be carefully analyzed in higher music education so they will not lay a trap for musicians likely to fall prey to them.
Par delà le risque potentiel des diverses idéologies présentes dans le milieu musical, cet article explorera les idéologies par lesquelles ce milieu explique et valorise le pouvoir de son art, lesquelles sont par conséquent plus difficilement séparables de sa façon de penser les finalités et les moyens de son travail de musicien.
On étudiera dans un premier temps l’usage et les effets d’un antagonisme généralement tacite apparu à la fin du XVIIIe sc. et faisant de la culture tantôt un outil collectivement émancipateur porté par des œuvres de référence, tantôt un instrument d’expression et de singularisation au service du développement personnel des êtres. Le mélange incompris de ces deux aspirations difficilement conciliables peut conduire à se laisser prendre par certaines fables perverses du milieu ou à développer des idéologies défensives débouchant sur l’acceptation de situations de souffrance professionnelle où le rejet de routines pourtant nécessaire au travail d’instrumentiste. Cette hypothèse éclaire des phénomènes aussi divers que les effets débilitants ou facilitants de l’origine socio-professionnelle des musiciens d’orchestre ; les inquiétudes identitaires ou affiliatives insolubles ouvertes par les politiques culturelles publiques de la seconde moitié du XXe siècle ; le retard pris et admis ici en matière de protection collective et de droit du travail au nom du régime vocationnel et individualiste d’une élite artiste ; ou la présence de rituels et de stratégies défensives proches des conduites ordaliques et des formes d’aliénation au travail étudiées par C. Dejours.
Selon les analyses de P.M. Menger, le glissement du management d’entreprise des logiques de qualification vers les logiques de compétences trouverait dans le milieu musical un terrain d’application privilégié voire un laboratoire, et les formes publiques de valorisations de la figure de l’artiste devraient en retour être soigneusement décortiquées dans le cadre d’une formation professionnelle universitaire des musiciens afin qu’elles ne constituent plus un piège pour ceux qu’elles ramèneraient en leur sein.